Le bien-être des salariés : entre intérêt individuel et intérêt global
Chez les salariés, le temps de travail représente une part non négligeable de la vie personnelle et a donc une influence importante sur le bien-être général de l’individu. 7 heures par jour, 5 jours sur 7 en moyenne : c’est beaucoup. Dès lors, le mal-être au travail a des conséquences directes sur le bien-être du salarié au quotidien : maladies, baisse de la motivation – voire dépression – maux physiques, angoisses… Tous ces symptômes impactent la vie de famille, la vie de couple et la vie sociale. Quand les employés ne se mettent pas en arrêt de travail, cela ne veut pas pour autant dire qu’ils vont bien. La sexualité, très importante pour le SWB, Subjective Well Being ou sentiment de bien-être, souffre d’une baisse de la libido liée à une fatigue physique et morale et à des tensions qui s’installent dans un couple. Les angoisses, quand elles ne conduisent pas à des extrémités, comme la dépression ou le suicide, peuvent conduire à l’alcoolisme ou même la toxicomanie. Mais si la vie des employés souffre d’un manque de bien-être, la vie de l’entreprise est elle aussi touchée. Selon APICIL, de nombreuses études récentes montrent que le bien-être au travail améliore la rentabilité et la pérennité d’une entreprise. Et pour cause : les salariés heureux et en bonne santé travaillent mieux, plus vite et plus longtemps. L’entreprise compte moins d’arrêts maladies et moins de turn-over. Or, quand les entreprises vont bien, c’est le pays qui en profite aussi. De fait, selon le Bureau International du Travail, le stress au travail représente un coût moyen de 3% du PIB ! Les arrêts maladies quant à eux ont un impact direct sur les comptes de la sécurité sociale. Le bien-être au travail est donc un problème de santé publique autant qu’un problème de santé individuelle. Son amélioration exige donc la participation de tous les acteurs sociaux.
Approches et analyses du bien-être au travail
Les grandes innovations managériales du début du 20ème siècle, si elles ont permis une augmentation de la productivité, ne laissaient aucune place à une conception du bien-être des salariés. L’employé est administré comme un rouage d’une machinerie gigantesque qui le dépasse et qui a pour unique but de produire des biens et des services. Au fur et à mesure des progrès sociaux, de l’amélioration de la qualité de vie et des développements des revendications sociales, cette non prise en compte du bien-être des salariés a montré ses limites. De fait, il est apparu que le mal-être des individus constituant la masse salariale de l’entreprise a conduit à des arrêts de travail, des démissions, une baisse globale de la productivité, voire des suicides. Les causes de ces symptômes sont connus, en particulier depuis les vagues de suicides qui ont secoué la France ces dernières années dans des grands groupes aux pratiques managériales dès lors remises sérieusement en question. Pénibilité, insécurité, organisation hiérarchique mal gérée, pression, volume de travail, organisation du temps de travail… tous ces points participent à faire baisser considérablement le bien-être des salariés, touchant ainsi directement la stabilité économique de l’entreprise. Jusqu’à présent, la logique était de traiter le problème une fois qu’il s’était présenté. Désormais, selon Pascal Ronzon, directeur grands comptes de l’assureur français APICIL, il est fondamental de passer « du Cure au Care », c’est-à-dire qu’il vaut mieux prévenir que guérir. Cette analyse rejoint directement les rapports de l’Union Européenne sur la stratégie communautaire de santé et de sécurité et de l’INRS, Institut National de Recherche et de Sécurité, pour qui la prévention des risques psychosociaux est le défi de l’entreprise de demain. On voit ainsi peu à peu se développer des Programmes d’Aide aux Employés qui visent à améliorer le bien-être des employés : coaching personnel, sorties de groupe, séances de relaxation etc… autant de solutions qui peinent à traiter le problème, faute d’une remise en question globale de l’organisation de l’entreprise.
Bien-être au travail et productivité : l’exemple de Google
La révolution internet a permis le développement de nouvelles conceptions managériales qui prennent en compte le bien-être des salariés comme élément moteur de la productivité. Le géant Google, 23 milliards de dollars de chiffre d’affaires en moyenne, est un pionnier en la matière. Les dirigeants de l’entreprise ont en effet mis en place une organisation centrée sur le bien-être des employés de la firme. Ainsi, par exemple, le temps de travail des cadres est décomposé en deux parties. 80% sont accordés aux tâches professionnelles en lien direct avec l’entreprise ; 20% sont consacrés à des recherches individuelles. Cette idée de génie est un des leviers de croissance de Google. En effet, outre le bien-être généré par le sentiment que ses intérêts personnels sont compris et favorisés par son employeur, ces 20% profitent en réalité indirectement à l’entreprise. Facteurs d’innovations, d’échanges avec les universités, de productivité et d’émulation, ces 20% « donnés » aux salariés reviennent finalement dans la poche de la société ! Mais Google va encore plus loin. Les employés de la firme ont ainsi accès gratuitement à de la nourriture en permanence : fruits frais, biscuits bio, boissons non alcoolisées etc sont en accès libre. Les employés disposent même, en interne, de salons de coiffure gratuits, de salons de détente, d’un atrium doté de canapés, de casques de qualité pour travailler tout en écoutant leur musique préférée… Bref, Google est le paradis des salariés. Le bien-être est institué comme axe central de l’organisation. Le résultat ? On le connaît. Outre un chiffre d’affaires simplement pharaonique, ce ne sont pas moins de 3000 CV qui affluent chaque jour aux RH de la société. Google donne à ses salariés et ils le rendent bien. Il est donc peut-être temps de s’inspirer de ces modèles novateurs et d’innover en matière d’organisation du travail pour apporter aux salariés le bien-être nécessaire à leur efficacité professionnelle. Là est sans doute la clé de la réussite et de la compétitivité.